PROBLÉMATIQUE ET DÉFIS

                                                   DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

                                          DANS LES HAUTES TERRES AU CAMEROUN

                                 Acteurs, logiques et pratiques pluriels

                                                                         

COORDONNATEURS
 

JEAN EMET NODEM

(Université de Dschang, Cameroun)

YVES BERTRAND DJOUDA FEUDJIO

(Université de Yaoundé I, Cameroun)

 

Front Cover Art Design:
 ANA MARÍA CALATAYUD

                                          ISBN: 978-1-937030-81-0

 

                                              EDITORIAL

 

Émergence Sud est une revue transdisciplinaire dont le seul intérêt est de mobiliser et de diffuser les savoirs universitaires susceptibles d’éclairer ou de décrypter les  multiples dynamiques sociales qui structurent les sociétés africaines contemporaines. Face aux grands défis de développement ou de bien être qui sont aujourd’hui ceux des africains, Émergence Sud interpelle à la fois des anthropologues, sociologues, géographes, historiens, politologues, philosophes…qui sont des acteurs susceptibles de contribuer efficacement, à travers leurs expertises riches et plurielles, à l’émergence rapide des  sociétés africaines en acte. Sans donc laisser la prééminence à une seule des sciences humaines et sociales,  Émergence Sud accueille favorablement des articles nécessaires à l’enrichissement des concepts et théories du développement; elle accorde un intérêt majeur aux résultats issus des travaux de terrain et qui sont, de ce fait, susceptibles de proposer des leçons innovantes pouvant mieux ré-orienter les politiques et les pratiques de développement en contexte africain. Plus simplement, Émergence Sud entend,  au sein de la communauté universitaire africaine ou de la diaspora, solliciter des connaissances et des approches transversales, plurielles qui abordent dans leur totalité ou complexité les phénomènes sociaux qui influencent ou déterminent le processus de la renaissance des sociétés africaines.

          Comme toute revue qui tient à son rayonnement scientifique, Émergence Sud ne publie que des travaux inédits dont les analyses s’adossent non seulement sur des travaux théoriques et/ou empiriques mais, qui apportent surtout des connaissances nouvelles dans le champ scientifique disciplinaire spécifique de l’auteur. Cette Revue ambitieuse privilégie également la dimension critique et objective des analyses. Au sens ziéglerien, elle entend être une «arme» intellectuelle et réflexive véritable, capable de devenir un instrument de lutte et d’affranchissement contre les diverses formes de domination et d’impérialisme qui «bloquent» la renaissance africaine. Cette fonction critique structure et traverse l’identité originelle de Émergence Sud et fait d’elle une  Revue africaine volontairement engagée.

          Émergence Sud est une publication semestrielle bilingue. Sa création répond à un besoin académique profond et urgent : celui de promouvoir des espaces de publication scientifique solides, crédibles et durables au sein de la communauté universitaire africaine. Chaque numéro publié peut, soit regrouper des articles faisant l’objet d’un Dossier thématique ; soit rassembler des textes constituant un «Mélange» mais mettant chacun en exergue une question cruciale centrée sur les défis du bien-être dans un pays du Sud.

  Ce premier numéro questionne prioritairement la problématique et les défis du développement durable dans les hautes terres au Cameroun. Aujourd’hui, il n’existe plus un seul pays dans le monde qui ne soit affecté d’une manière ou d’une autre par le phénomène complexe des changements climatiques. Ces changements s’opèrent en imprimant fortement leurs marques tant sur la terre ferme que sur les océans et les mers, sans oublier l’atmosphère à travers la fameuse couche d’ozone dont l’altération ne fait plus l’objet de doute aujourd’hui. L’équilibre climatique de l’Univers a été profondément bouleversé par les activités anthropiques (exploitation démesurée des ressources comme le pétrole, les gaz, …). Les progrès scientifiques et techniques ont eu pour revers une modification croissante des équilibres du climat, occasionnant par endroits des sécheresses spectaculaires.

  Si dans les zones tempérées les changements climatiques se font ressentir de plusieurs façons (fonte des glaciers, canicules spectaculaires, incendies des forêts, etc.), il y a lieu de reconnaître que la situation est tout aussi préoccupante dans les tropiques ou au Sud. Ainsi, dans les discours des dirigeants des pays d’Afrique Sub-saharienne, l’on peut détecter un certain nombre de concepts et d’expressions qui rappellent l’ampleur des conséquences des changements climatiques sur le continent. Ces concepts et expressions sont du type : « Avancée du désert » ; « Déforestation » ; « Pénuries d’eau » ; « Sécheresses » ; «Développement durable», etc. Ils traduisent l’inquiétude des dirigeants face à cette déferlante qui ne laisse que très peu de chance aux générations futures. L’urgence d’agir est dont réelle, et se présente  désormais comme une nécessité.  Il est urgent  d’agir (et de réagir), non seulement pour atténuer les effets induits par l’élévation du niveau des océans, mais aussi et surtout pour ralentir ou stopper la grande avancée du désert.  C’est à ce niveau qu’intervient et se révèle  la problématique du reboisement, en lien avec celle plus grande du développement durable (sur les hautes terres).

  L’on peut légitimement se réjouir de l’intérêt que les dirigeants des États sub-sahariens ont accordé à cette question du reboisement à l’échelle transnationale. Le projet de la grande muraille verte devant partir du Sénégal pour atteindre Djibouti, en est une parfaite illustration. Il s’agit pour ce projet, de planter des arbres dans un couloir bien défini, et sur une largeur considérable, dans le but de faire face au désert du Sahara qui ne cache plus ses velléités à conquérir de nouveaux espaces un peu plus au Sud. En plus de ce grand projet transnational, il se développe de plus en plus dans des États, un ensemble de microprojets de reboisement dont le but est toujours de contrer l’avancée du désert, et d’inscrire le développement dans une grande durabilité. Au Cameroun par exemple, l’opération « Sahel Vert » a fait parler d’elle.  Certaines entreprises multinationales installées au Cameroun, notamment celles de la téléphonie mobile, prennent également très au sérieux la question environnementale. C’est ainsi qu’on assiste à l’existence des fondations qui mènent des actions de reboisement sur le terrain dans des écoles, à l’instar de l’opération « un élève-un arbre » menée sur l’étendue du territoire national.

  Comme on peut le constater, la question de reboisement se pose dans des espaces sociaux, et reçoit des réponses spécifiques en fonction des contextes. L’urgence d’agir sur le terrain à travers des actions spécifiques en faveur du reboisement sur les hautes terres ne saurait cacher celle de construire une réflexion scientifique soutenue et plurielle  sur cette question. Les questions relatives à l’environnement et au développement durable ont certes bénéficié d’une audience scientifique considérable. Celles plus spécifiques relatives au reboisement dans les hautes terres restent très peu traitées. La présente livraison de la revue « Émergence Sud » se propose d’explorer de façon profonde et interdisciplinaire les contours de la question du reboisement en relation avec la grande problématique du développement durable.

Résumés  des contributions

 Paul AHIDJO analyse les stratégies de reboisement qui font suite aux dégradations environnementales au Nord Cameroun. Pour l’auteur, face à l’ensemble des problèmes écologiques, les stratégies de reboisement s’imposent et s’analysent comme des défis auxquels des acteurs de l’environnement sont confrontés. Des pouvoirs publics aux organismes non gouvernementaux, en passant par les populations locales et les élus du peuple, le reboisement s’inscrit comme une priorité en matière de politique environnementale au Nord Cameroun. Par le biais d’une approche pluridisciplinaire, sa contribution tente d’étudier ces stratégies des acteurs dans ce milieu écologiquement vulnérable.

 Toujours dans la partie septentrionale du pays, Abel TEWECHE articule les implications environnementales et socioéconomiques des périmètres de reboisement dans les territoires ruraux. Il appuie sa réflexion par l’exemple des  monts Mandara  à l’Extrême-Nord du Cameroun. Ses observations de terrain  montrent qu’il existe plusieurs périmètres de reboisement identifiés dans les monts. Ce couvert végétal reboisé  participe à la restauration progressive des sols peu couverts de la zone d’étude non sans procurer des revenus aux populations locales qui font une utilisation encadrée des essences plantées comme bois de chauffe et bois d’œuvre.

 Paul Basile ELOUNDOU MESSI, Abel TEWECHE et Hervé GONDIE examinent les problèmes sanitaires autour du barrage de Ouro Tada à Mokolo, dans la région de l’Extrême-nord du Cameroun. Pour les auteurs, ces problèmes sanitaires font suite à l’insalubrité dans le site. Par  une méthodologie qualitative, ils montent à travers leur étude que les populations riveraines polluent constamment l’eau du barrage par leurs activités domestiques surtout en saison sèche, et que ces eaux polluées sont utilisées par les exploitants agricoles, notamment ceux qui font des cultures maraîchères.

Les productions scientifiques ci-dessus montrent que la partie septentrionale du Cameroun recèle un ensemble de dynamiques à la fois physiques et humaines qui s’inscrivent dans la grande problématique de la gestion des hautes terres. La partie sud du pays n’échappe pas à ces dynamiques environnementales. Dans cette optique, centrant son analyse sur les monts Bamboutos dans la région de l’Ouest Cameroun, Roger NGOUFO innove avec le concept de « montagne laboratoire » dans cette partie du pays, et montre que la montagne est d’ailleurs le « creuset de l’élaboration des problématiques environnementales ». Dans l’opérationnalisation de ce concept, l’auteur mobilise deux paradigmes : celui de la « verticalité » et celui du « système spatial ». En conclusion, il pense que les monts Bamboutos peuvent effectivement être considérés comme un laboratoire de diversités naturelles et d’analyse de changements environnementaux et sociaux.

Les monts Bamboutos étant un espace de production agricole, les contraintes multiples et parfois contradictoires relatives à cette activité des monts plongent les paysans dans la « tourmente ». C’est ce que montre  Jean-Emet NODEM dans son étude centrée sur le village Bangang, groupement de l’Ouest-Cameroun. Pour l’auteur, la forte teneur en eau des zones de basses et de hautes altitudes de ce village consolide le couple « eau-agriculture », qui est loin de vivre toujours en harmonie, dans un contexte où l’avenir de l’agriculture semble incertain, au regard du rythme actuel de surexploitation de la ressource en eau disponible. La « tourmente » s’installe dès lors que les acteurs en présence n’ont pas les mêmes potentialités en matière d’exploitation des espaces, et par ricochet, de production agricole. C’est ainsi qu’à côté du concept de « grands agriculteurs », l’auteur travaille à la construction d’un autre concept, celui de « paysans inadaptés », ces derniers étant victimes des tumultes causés par les premiers. 

  Etienne Collins KANA et Célestin KAFFO posent la problématique de la conflictualité en matière de gestion des réserves forestières de l’Ouest-Cameroun. Les acteurs en présence sont principalement les populations riveraines et l’administration néocoloniale. Entre « revendications foncières » des populations riveraines et « logiques dirigistes » de l’Etat, se construisent des enjeux et des stratégies d’acteurs qui alimentent une multitude de formes de résistances. 

 Les activités agricoles et pastorales qui sont pratiquées sur les versants Sud des Monts Bamboutos à l’Ouest-Cameroun, sont susceptibles de provoquer des « risques sanitaires » au quotidien. Yves Bertrand DJOUDA FEUDJIO centre son analyse sur la perception de ces risques par les acteurs en activité dans les monts, et questionne les usages thérapeutiques  mis en branle par ces acteurs dont la vulnérabilité face aux dangers multiples est incontestable. Par le biais d’une méthodologie qualitative qui privilégie des approches ethno-méthodologiques (enquête de terrain) et celles de la psychologie sociale, l’auteur apporte des clarifications significatives, en montrant notamment que les paysans ou exploitants agricoles des monts font preuve de beaucoup d’inventivité et d’ingéniosité dans la gestion des risques sanitaires qui jonchent leur quotidien. 

 L’analyse faite par Félix MEUTCHIEYE, Mathilde SANGLIER et Olivier MIANTSA FOKAM présente le système de production du miel blanc dans la localité Oku, région du Nord-Ouest du Cameroun. Son travail se présente globalement sous le prisme de trois types d’analyses différentes que sont la « social analysis » qui met l’accent sur le renforcement des capacités féminines dans ce système, la « organisational analysis » qui décrit la gestion de ce système de production du miel par les autorités administrative, la « technical analysis » qui s’intéresse aux méthodes traditionnelles de produire le miel, et finalement, la « environemental analysis » qui souligne les actions entreprises par les producteurs du miel blanc en matière de protection de l’environnement, notamment la foret Kilum-Ijim.

 

Jean-Emet NODEM

Sociologue, H.D.R Développement rural

Université de Dschang (Cameroun)

                                                                       

 

Jean-Emet Nodem, après des études universitaires à Yaoundé (Cameroun) au département de sociologie de 1980 à 1990, enseigne la sociologie générale et l'animation rurale à l'Institut national de la jeunesse et des sports (1NJS) de 1986 à 1996. Depuis 1996, il est enseignant de sociologie à l'Université de Dschang au Cameroun.

 Yves Bertrand Djouda Feudjio a obtenu son Doctorat en sociologie de la santé en 2011 à l’Université de Yaoundé I (Cameroun) où il est aujourd’hui Chargé de Cours. Il est ancien lauréat (2009-2011) de l’African Doctoral Dissertation Research Fellowship (ADDRF) et des Instituts Santé (2007) et Gouvernance (2009) du Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique (CODESRIA). De septembre 2014 à Août 2015, il a été lauréat du Programme Santé-Cap au Canada.  Il est l'auteur de plusieurs publications dans des revues à comité de lecture et dans des ouvrages collectifs.

 

                                                                                                                                                         

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